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13 décembre 2006

Prix Goncourt 1933

La condition humaine

André Malraux

Editions Gallimard 1946

338 pages

ISBN : 2070360016

Il en va pour les livres comme pour le reste, ils se démodent. C'est particulièrement frappant avec ce roman qui retrace un moment de la révolution chinoise. Difficile, à moins d'être versé dans l'histoire moderne,  de saisir tous les tenants et aboutissants de cette période troublée. Difficile aussi de s'enflammer avec les protagonistes pour ou contre l'Indochine française, bref, difficile de se replonger dans le contexte. Reste que si les évènements sont dépassés, l'humain reste humain, les sentiments, les émotions qui l'animent changent peu. "La condition humaine. Autrement dit, un certain paradoxe : une vanité et une grandeur, une dignité et une humiliation" [1]. Et Malraux n'a pas son pareil pour décrire non seulement un moment de l'Histoire, mais aussi l'histoire des petites gens, les Kyo, Tchen, Katow, May, combattants communistes, animés d'une foi inébranlable en leur croyance en un monde meilleur. Mario Heimburger a vu juste : "les personnages de Malraux ne discutent pas de leurs croyances, [...]. Leur décision est personnelle"[1] ; quant aux personnages plus louches du roman, les Ferral et Clappique aux motivations moins nobles, ils n'en sont pas moins humains dans leur âpreté au gain, dans leurs leurs bassesses et leurs jalousies.

Reste aussi et surtout l'écriture de Malraux, belle, élégante, précise, imagée, parfaite, ce que Mario nomme :"le style, le niveau littéraire". Si je dois avouer avoir survolé des passages obscurs relatifs à l'organisation du soulèvement et à la stratégie des révolutionnaires, j'en ai goûté d'autres sans retenue :  le début, où Tchen doit tuer un trafiquant d'armes, ou vers la fin, lorsque Katow cède son cyanure à ses frères d'armes, quelle poésie dans la description, quelle force dans les mots, quelle puissance d'évocation. Ecoutez plutôt :  " ... un corps moins visible qu'une ombre, et d'où sortait seulement ce pied à demi incliné par le sommeil, vivant quand même- de la chair d'homme." (p.9) ; et encore, p.10  "Ce pied vivait comme un animal endormi. Terminait-il un corps ? (...) Il fallait voir ce corps. Le voir, voir cette tête, pour cela, entrer dans la lumière, laisser passer sur le lit son ombre trapue. Quelle était la résistance de la chair ? " ; et finalement, ces lignes inoubliables sur l'exécution de Katow, p.310 : " Toute l'obscurité de la salle était vivante, et le suivait du regard pas à pas. Le silence était devenu tel que le sol résonnait chaque fois qu'il le touchait lourdement du pied ; toutes les têtes, battant de haut en bas, suivaient le rythme de sa marche, avec amour, avec effroi, avec résignation, comme si, malgré les mouvements semblables, chacun se fût dévoilé en suivant ce départ cahotant. Tous restèrent la tête levée : la porte se refermait. Un bruit de respirations profondes, le même que celui du sommeil, commença à monter du sol : respirant par le nez, les mâchoires collées par l'angoisse, immobiles maintenant, tous ceux qui n'étaient pas encore morts attendaient le sifflet." Frissons...

... Et la satisfaction de pouvoir affirmer "Il m’a fallu des années pour [..] me plonger dans ce livre, mais je n’ai pas à le regretter aujourd’hui." [1]

Source :

[1] http://www.livres-online.com/La-Condition-Humaine.html

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